Article
French
ID: <
10.4000/litteratures.372>
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DOI: <
10.4000/litteratures.372>
Abstract
Si la littérature est une représentation personnelle du monde, elle est comme une carte topographique dont la ponctuation serait l’échelle. Nous voulons le montrer en observant comment les récits fictionnels de la seconde moitié du xixe siècle inventent la notion d’inconscient par leur pratique inédite de la ponctuation. Ces récits ne reprennent pas seulement des thèmes populaires (l’hypnose, l’hystérie…), des discours tenus par la psychologie et la physiologie : la reprise littéraire de motifs ou d’idées passe par une autre façon de les énoncer, une libre association des mots qui met en cause le discours scientifique même. Les aliénistes voyaient dans une ponctuation altérée l’indice d’un trouble dans le sujet de l’énonciation : la littérature s’approprie cette pratique et la subvertit en lui donnant un sens esthétique et épistémologique. À travers l’accumulation ironique de l’exclamation chez Vallès, le foisonnement des points de suspension et des pointillés chez les Goncourt, le recours aux parenthèses chez Laforgue ou encore l’absence d’une virgule chez Dujardin, s’énoncent la subversion de la conscience, la lutte d’instances contradictoires, le flux d’un discours inconscient, l’insistance ou le refoulement d’un symptôme… Jacques Lacan pourra définir en cette formule lapidaire le rôle de l’analyste : « Nous ne faisons rien que donner à la parole du sujet sa ponctuation dialectique ».