Abstract
National audience Tandis que les travaux en linguistique énonciative accordent, depuis Benveniste (1966 : 260), une place centrale à la deuxième personne, considérée comme le pronom prototypique de l’adresse, cet article interroge la possibilité que la catégorie grammaticale de la troisième personne (P3) ne corresponde pas, en discours, à un rejet hors de l’allocution, mais soit au contraire une forme de contournement de l’adresse : une stratégie d’évitement ou adoucisseur (softener) afin de ne pas heurter la face du locuteur et des allocutaires, de limiter les Face Threatening Acts (FTA, Brown/Levinson 1978, 1987). À partir d’un corpus de discours politiques allemands et britanniques d’Angela Merkel et David Cameron, l’article explore les cas où la personne délocutée (P3), sous ses multiples apparitions (pronoms indéfinis comme le 'man' allemand ('on'), quantifieurs universels pleins comme 'jeder' ('chaque') et 'everyone' ('tout un chacun') et 'keiner'/'no one' ('personne'), quantifieurs partiels : 'manch-' et 'some' ('quelques'), syntagmes nominaux), implique les destinataires du discours. L’usage de la troisième personne dans le discours politique peut dès lors être considérée comme un marqueur de « détournement verbal » (verbal indirection, Obeng 1997 : 80) et invite à différencier statut grammatical et statut énonciatif de la personne, mais aussi allocutaire et destinataire du discours.