Siamois, jumeaux et Doppelgänger sont des catégories qu’on n’attend guère dans un ouvrage de diplomatique médiévale. Pourtant, les différentes relations au double et les singularités de certains actes rappellent ces accidents génétiques. La demi-devise chirographaire, par exemple, est le stigmate d’une genèse particulière et évoque la cicatrice d’un siamois séparé. Tel autre acte a un double gémellaire, que le hasard seul fera rencontrer et reconnaître. À d’autres, enfin, sosies et imitateurs sont autant de reflets changeants. Accident génétique ou pratique contrôlée, telle est la question que posent à l’historien diplomatiste, les chirographes, originaux multiples et actes de même dispositif produits en grand nombre au XIIe siècle. Si l’intentionnalité qui préside à la confection des actes doubles différencie à l’évidence les naissances gémellaires de la pratique diplomatique, les raisons qui font préférer un chirographe à un original multiple restent encore obscures. La genèse de ces actes interroge sur les rôles des acteurs qui y participent et la nature de documents dont auteurs, disposants, impétrants et destinataires peuvent tour à tour être uniques ou multiples. La dualité de l’acte offre certes des dossiers documentaires mieux étoffés et plus riches d’enseignement lorsque les différentes parties sont conservées, mais l’interprétation n’en est pas rendue plus aisée. Du choix de la production multiple à la confection même de l’acte, les processus apparaissent dans leur plus grande complexité et laissent parfois la critique génétique dans le doute. [...] Grâce à une analyse paléographique, nous mettrons en lumière les processus d’écriture et les éléments qui permettent de déterminer quels acteurs, personnes morales ou physiques, ont pris en charge la confection des actes doubles. Les chirographes, actes « siamois », seront étudiés tout d’abord et permettront de souligner comment le scriptorium de l’abbaye adopte et adapte une pratique diplomatique. Ensuite les originaux multiples feront voir des pratiques d’écritures diverses, allant d’une identité parfaite, qui en fait l’équivalent de chirographes sans devise, à des oppositions formelles plus grandes. Enfin, le panorama sera complété par l’étude d’actes portant le même dispositif, mais intitulés au nom d’auteurs distincts.

L’acte et son double : genèse des chirographes, originaux multiples et actes de même dispositif à l’abbaye cistercienne de Fontenay (v. 1150-1213)

Abstract