Etablie en juillet 2015 par le service central du renseignement territorial (SRCT), une note confidentielle intitulée « le sport amateur vecteur de communautarisme et de radicalité » pointe un certain nombre de faits observées dans le monde du sport amateur : des musulmans proches de la mouvance salafiste pratiqueraient leur religion de plus en plus ostensiblement dans les espaces du sport amateur et tenteraient d'imposer leurs pratiques notamment à des jeunes issus de l’immigration maghrébine. D'après les rédacteurs de cette note, ce phénomène trouve son fondement dans le repli communautaire observé dans de nombreux quartiers. Alors que le sport a été présenté jusqu’à aujourd’hui comme un puissant ciment d’intégration pour des populations issues des immigrations et pour les « jeunes des cités », faut-il changer le regard et s’interroger sur la réalité d’un repli à caractère ethnico-culturel, voire religieux, dans le sport amateur des banlieues ? Depuis 2016, progressivement, des outils sont mis en place par les pouvoirs publics et les autorités sportives pour accompagner les éducateurs du champ de la jeunesse et du sport afin de prévenir la radicalisation. Le sport « entre soi » ou communautaire à caractère ethnico-culturel – mais non forcément religieux – constitue-t-il le terreau pour un entrisme des islamistes et un terrain favorable à la radicalisation ? Le phénomène est-il marginal, émergent ou installé ? Des mineurs « sous emprise », c’est-à-dire des mineurs radicalisés ou en voie de radicalisation, fréquentent-ils les clubs de sport et y exercent-ils une forme de prosélytisme ? Sur ce sujet, les discours souffrent tant d’une surcharge normative que de déficiences empiriques. La rupture avec ces discours du sens commun nécessite une confrontation au terrain (par l’analyse de la pratique sportive « ordinaire » des jeunes issus de l’immigration maghrébine et d’Afrique sub-saharienne). La sociologie se trouve néanmoins face à un double défi : lutter contre le réductionnisme dans un contexte d’emballement politico-médiatique et d’émotion collective ; lutter contre le déni du fait communautaire et notamment de l’empreinte du religieux dans les espaces de la pratique sportive, notamment dans les quartiers défavorisés. A partir des résultats d’un travail de recherche réalisé en 2016 dans le cadre du programme « CNRS Attentats-recherche » (2015), la communication propose d’une part de saisir la genèse socio-politique d’une note « confidentielle », sa circulation, sa traduction et ses effets dans l’espace public et, d’autre part, de présenter quelques résultats de l’enquête sociologique mettant en exergue les différentes modalités de pratique sportive des jeunes radicalisés. Au-delà de quelques exemples de radicalisés anciens pratiquants sportifs, les sports populaires –notamment le football de club- apparaissent plutôt comme un rempart à la radicalisation car ils restent un lieu de socialisation et de mixité pour les jeunes Français de confession musulmane.

Le sport : un terrain pour saisir la fabrique sociale du processus de radicalisation islamiste ?

Sport: a ground to grasp the social factory of the Islamist radicalisation process?

Abstract