Minorées par le modèle des « générations », les stations de sports d’hiver en site vierge de Superbagnères et Font-Romeu dans les Pyrénées naissent autour de 1911, au croisement des ambitions locales de diversification touristique et de la stratégie entrepreneuriale de la Compagnie des chemins de fer du Midi. Aménagements pionniers en France, mobilisant des capitaux importants, dans le but explicite de conjurer un aléa climatique déjà problématique (l’enneigement) en montant en altitude, elles apparaissent cependant trop tôt. Le marché touristique hivernal, qui semblait prometteur avant 1914, marque en fait le pas dans les années 192,0 ce qui donne un coup d’arrêt aux aménagements en site vierge, fort coûteux. Ce marché est relancé par une série de changements survenus dans les années 1930, dont l’apparition du ski alpin et l’expansion de l’automobile, en partie imprévisibles lorsque furent imaginées Superbagnères et Font-Romeu. Ces stations sont de ce fait en proie à un déclassement difficilement remédiable car leurs sites ne se prêtent pas aux nouvelles pratiques sportives. À ces éléments contingents s’ajoutent des facteurs sociaux et politiques car si, pour l’une, Font-Romeu, l’absence de gestion unifiée crée un développement urbanistique désordonné, pour l’autre, Superbagnères, des conflits fonciers avec la commune agricole propriétaire du domaine skiable retardent systématiquement la modernisation. Dans les années 1970, c’est finalement la reconnaissance dans les débats publics des arguments environnementaux qui a raison du dernier plan d’extension urbanistique de Superbagnères et qui pousse la Société des chemins de fer et hôtels de montagne à se retirer de la dernière station qu’elle exploitait encore, au profit d’un syndicat intercommunal. Cette entreprise de sports d’hiver montre plus généralement, sur un temps relativement long, la part de contingence, d’expérimentation et de politique qui parcourt la mise en exploitation d’éléments de la nature.