Abstract
Alors que l’amour passe pour être un sentiment né en Occident au douzième siècle, la poésie amoureuse, sous sa forme déclamatoire ou chantée,est apparue dès le sixième siècle chez les Bédouins du désert d’Arabie avant de fleurir dans le monde arabe citadin, puis persan et enfin occidental. L’amour passion, excessif par essence, ne pouvant se dire que dans la démesure, le discours amoureux est l’expression toujours hyperbolique du pathos avec ses joies et ses détresses. L’homme qui éprouve cet état de passion est féminisé, trouvant dans le médium de la poésie un espace d’expression socialement autorisé pour exprimer ses émotions, y compris celles relatives à la jalousie, à la nostalgie ou au blasphème. Chanter la beauté de l’objet aimé et le trouble qu’il inspire est autant une manière d’avouer sa vulnérabilité affective qu’un mode de conquête amoureuse. Mais si le langage de la prédation est patent dans la poésie hétérosexuelle ou homosexuelle, un tel langage est absent de la poésie féminine, différence révélatrice de la polarité asymétrique du désir selon qu’on est homme ou femme.