En anthropologie, un rituel de passage est un processus enclenché volontairement pour permettre à un individu ou un groupe de franchir une étape de transformation difficile. La période liminaire est l’étape intermédiaire de ce processus (Van Gennep, 1909). L’idée de liminalité a été largement mobilisée en sciences sociales et en management. Mais, alors qu’initialement elle présentait une dimension opérationnelle forte pour mener à bien une transformation, elle est devenue un simple concept décrivant la situation d’individus désorientés et mis à l’écart. Le management des organisations a pourtant besoin d’outils opérationnels pour faciliter l’intégration d’individus lors de phases de transition. Cet article cherche à comprendre comment les rituels peuvent favoriser le processus d’intégration des individus liminaires. Pour ce faire, nous avons réalisé l’étude d’un cas de rituel de passage, au sein d’une organisation non religieuse très ritualisée : une loge maçonnique. Nous avons identifié plusieurs mécanismes, actionnés au travers du rituel, et agissant sur l’intégration des individus liminaires. Nous les avons analysés grâce à la mobilisation d’une perspective ventriloque de la communication, empruntée à la théorie dite Communicative Constitution of Organization (CCO). Les résultats montrent que le rituel favorise l’intégration des individus par la réduction de l’ambiguïté de la situation liminaire, l’affirmation d’une temporalité, l’alignement des objectifs individuels et collectifs, la reconnaissance de l’altérité, la moindre hiérarchisation des individus, la réduction de l’hypersubjectivité, le recours à des déclaratifs et des montées en autorité. Nous discutons les écarts entre ces résultats et certains travaux sur la liminalité en management ainsi que la possible transposition de ces mécanismes à des organisations diverses.