Ce travail porte sur un corpus de 135 textes courts de témoignage et d'imagination. Il vise à réfuter l'argument apriorique selon quoi les sensations tactiles seraient peu ou non communicables parce que certaines, voire toutes les langues ne disposeraient pas des éléments nécessaires à leur expression. Malgré une variété moindre concernant les catégories de température, de poids et d'hygrométrie, le vocabulaire français courant s'avère permettre des développements tactiles diversifiés, en particulier dans les domaines de la texture et de la consistance. Mais la hiérarchisation culturelle des systèmes perceptifs se conjugue avec certaines propriétés phénoménologiques pour expliquer la rareté et la fugacité de telles représentations. Ainsi, l'homologie quasi exacte des perceptions de la forme et de la taille par la main ou par l'œil autorise le plus souvent à passer sous silence la source tactile de ces informations cardinales. De même, l'inclusion du toucher dans des procès beaucoup plus globaux, n'ayant pas pour référent la seule perception, conduit à minorer son rôle, tantôt en l'implicitant au profit de l'action à laquelle il contribue, tantôt en le censurant en raison de l'intimité du contact qu'il nécessite.