La gestion de la mobilité internationale, pour les grandes entreprises, est devenue un enjeu stratégique. Elle met en scène, au niveau des discours, des salariés censés être parfaitement à l’aise à l’épreuve des voyages, « flexibles » et décidés à diriger leurs différentes existences, que celles-ci soient personnelles, familiales ou professionnelles. Or, ces hommes (en large majorité) et ces femmes, individus dotés d’un important capital culturel, social, comme d’un haut niveau de revenus, posent, en des termes nouveaux par rapport aux travailleurs immigrés de faible condition économique, le problème de la « multiplicité des allégeances » et de la construction identitaire du sujet entre plusieurs univers de normes (culture(s) d’entreprise, culture(s) du pays d’accueil, culture(s) du pays d’origine... ). Dans le double mouvement par lequel ceux-ci continuent à s’approprier l’esprit des communautés auxquelles ils appartiennent, et s’identifient, les cadres internationaux, plus que les autres, cherchent une saisie signifiante de leur propre vie et n’oublient pas le désir profond de se différencier. Ces acteurs cherchent la médiation de l’ethnicité (pôle de stabilité ontologique) pour affronter le tiraillement identitaire dans de meilleures conditions. À partir d’un enquête de terrain dans une grande compagnie pétrolière, nous montrerons que le brassage en équipes plurinationales, le vécu du déplacement géographique aiguisent le sens d’une revendication culturelle et balayent ainsi, de manière surprenante, l’idée d’une élite mondiale homogène.