Théorisé par Aleks Sierz au début des années 2000, le théâtre in-yer-face (« théâtre à effet coup-de-poing ») désigne un ensemble de pièces qui émergent sur la scène britannique dans les années 1990, et représenté par des auteurs comme Sarah Kane, Mark Ravenhill ou Anthony Neilson. Cette dramaturgie caractérisée par l'utilisation d'un langage cru, de scènes violentes et de la mise en scène de sexualités souvent déviantes, prompte à choquer le spectateur, à lui « jeter à la gueule » des aspects de notre réalité humaine que la société refoule et à provoquer chez lui une réaction épidermique qui le force à réfléchir, interroge ainsi le rapport que corps et amour entretiennent dans un contexte postmoderne. À une époque où le lien entre la réalité et la virtualité médiatique entraîne une déréalisation de l'individu, où le simulacre baudrillardien s'étend à tous les domaines de la vie, l'amour est devenu un sentiment médiatisé et commercialisé. Entre porneia, eros et philia, le corps scénique fait-il survivre l'amour ou finit-il par l'anéantir ? À travers les pièces L'Amour de Phèdre de Sarah Kane, Shopping and Fucking de Mark Ravenhill et U.F. de l'auteur roumain Peca Stefan qui prolonge l'esthétique in-yer-face dans un monde post-soviétique, cette étude analysera comment le décalage entre la violence de la sexualité montrée sur scène et l'apathie sentimentale de certains personnages dénoncent une déconnexion du corps et de l'esprit, une déréalisation des sentiments dont les conséquences tragiques soulèvent des problèmes d'autonomie de la pensée et du ressenti induits par la suprématie du discours médiatique. L'amour peut-il résister à la mercantilisation des affects ? Référence : « Amour et corps postmodernes dans le théâtre in-yer-face », in « Parler par le corps : réinvestir l'amour », ARAMBASIN, Nella (éd.), PUFC, pp.139-160