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Ecriture du voyage, voyage de l’écriture, dans Diario de un poeta reciencasado (1916) de Juan Ramón Jiménez

Abstract

Le recueil Diario de un poeta reciencasado ([1916] Madrid, Cátedra, 1999), de Juan Ramón Jiménez, est à la fois un livre de bord et un journal intime. S’il relate le voyage aux Etats-Unis effectué par le poète, il le reflète également par son écriture et sa structure. Au croisement des termes espagnols rumbo (la route envisagée, souvent maritime) et vía, (celle où l’on s’achemine), le cheminement évoqué dans le recueil de J. R. Jiménez renvoie à la fois à un espace imaginaire et à un espace concret et scriptural, témoin de la pérégrination, voire de la mutation du sujet poétique. Son espace-temps est déterminé par différentes représentations du mouvement et du déplacement qui participent à l’évocation du voyage et que nous observerons successivement. L’ordonnancement rigoureux du recueil et la chronologie du voyage, soulignés par le paratexte (principalement les épigraphes de poèmes), sont démantelés par une dynamique de coupure. Le premier geste nécessaire à la construction de l’espace-temps et du rythme du recueil est le « pas » : étranger à toute progression, il dit la présence du sujet, selon une conception bachelardienne de la temporalité, marquée par la prégnance de l’instant. Plusieurs poèmes du recueil ont en effet pour objet un instant (« Amanecer ») ou un lieu, voire la réunion des deux (« Tarde de primavera en Washington Square »). Cette dynamique de fragmentation et cette prépondérance de la ponctualité s’observent aux niveaux des poèmes, des strophes et des vers. La succession de ces différentes unités poétiques engendre une impression de « pas-à-pas », produisant déplacement et changement. L’agencement des « pas » dans une dynamique linéaire engendre le rythme du recueil, concept défini par H. Meschonnic comme une pensée du continu dans le langage. L’évocation du déplacement du sujet va de pair avec sa confrontation à l’autre, incarné dans le recueil par la société nord-américaine, souvent décrite, particulièrement dans les textes en prose. L’étonnement qu’elle produit pour le locuteur est illustré, sur la page, par la forme poétique du « collage », « reproduction », isolée par la typographie, de discours publicitaires et d’affiches. Si le collage renvoie à un discours autre, il exprime également un rapport complexe entre l’ici et l’ailleurs : contre toutes attentes, dès le début du recueil, le familier (particulièrement ce qui renvoie à l’Espagne et à l’Andalousie) est parfois « entaché d’étrange » (J. Kristeva), ce qui révèle la crise traversée par le sujet lors du voyage. Souvent, celui-ci semble avoir besoin de s’effacer, notamment derrière le paysage contemplé, pour pouvoir se réaffirmer ensuite. Un double mouvement de perte et de réappropriation, qui semble inhérent à l’évocation du voyage, est donc nécessaire à la construction de la voix poétique. Par l’évocation, dans l’écriture poétique, de la temporalité (ressentie par le locuteur) et du temps (objectif et chronologique), imbriqués et confrontés, le sujet apparait comme tiraillé entre différentes expressions du souvenir, de la nostalgie ou, au contraire, de l’attente et de l’impatience. Leur rencontre, dans l’écriture, produit une tension mais figure aussi le franchissement des étapes qui jalonnent le voyage. L’utilisation conjointe de l’enjambement et de l’échelonnement en constitue une représentation aux niveaux métriques et syntaxiques. La progression du sujet est également visible dans l’évolution du lexique (le terme « cielo » devient « sky » dans le poème LX) dans laquelle sont illustrées l’acceptation et même l’appropriation de l’altérité linguistique, culturelle et, bien sûr, géographique. La réalisation du cheminement conduit à celle du sujet poétique, ce qui transparaît enfin également dans les poèmes qui évoquent des voyages courts (en train, notamment), insérés dans le voyage « principal » et qui le reflète en en préfigurant l’achèvement.

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