En inventant la droite et la gauche comme forme de positionnement politique, la Révolution française voit poindre, aux confins d’un échiquier ainsi redéfini dès la fin de 1789, des formes de radicalité qui ont contribué à rendre le débat plus tendu. En même temps que la politique naît une forme d’« extrémisme » à droite comme à gauche, qui se caractérise par une grande attention théorique tout autant que par des pratiques de rupture avec le débat supposé plus calme des Assemblées. Les actes de ce colloque se proposent d’interroger la notion d’« extrême » depuis son apparition dans le débat révolutionnaire jusqu’à ses plus récentes manifestations, en France ou en Italie par exemple, où une gauche radicale a pu se manifester et continue d’exister sous différentes formes. Ce sont de multiples facettes de cette réalité mouvante qui sont ici proposées et étudiées. Qu’en est-il d’une définition précise de l’« extrême » ? Est-ce une posture idéologique revendiquée dans une Assemblée représentative ? Ou bien, de par sa radicalité, ne peut-elle se déclarer que dans un espace autre, celui de la militance, de la société civile et de l’action sociale ? Est-elle une réalité homogène ou bien à son tour traversée de nuances, voire d’oppositions qui la divisent ? Ne serait-elle pas plutôt une réalité et un mot imposés par ses détracteurs inquiets ou agressifs, sous la forme d’un stigmate visant à décrédibiliser depuis deux cents ans ceux dont la politique est dite d’« extrême gauche » ? « Extrême » devient alors un stigmate qui permet de ranger sous un même mot le terroriste, le partageux, la pétroleuse, ou le militant syndical trop actif. Qu’en est-il des acteurs de cette radicalité de gauche ? Qu’en est-il des systèmes de représentations qui, depuis plus de deux cents ans, tentent de la marginaliser au nom d’une politique du bon sens, au nom d’un centre modéré rejetant à sa périphérie celles et ceux qui sont considérés comme des dangers pour l’ordre public et social ? Il s’agit ici d’ouvrir des pistes pour inscrire dans l’histoire du politique cette réalité de la gauche « extrême », ces combats d’images, ces luttes de mots, autour d’une pensée et d’une pratique de gauche dont on essaie de savoir si elle est « extrême » parce que décalée par des discours dominants faisant de la modération l’objet de l’ordre politique.

by inventing the right and the left as a form of political positioning, the French Revolution sees forms of radicality that have helped to make the debate more tense, in the context of a scale redefined in this way since the end of 1789. At the same time as politics is emerging into a form of ‘extremism’ on the right and on the left, which is characterised by great theoretical attention as well as by practices that break the supposed quieter debate in the Assemblies. The acts of this colloquium are intended to question the concept of ‘extreme’ from its emergence in the revolutionary debate to its most recent demonstrations, for example in France or Italy, where a radical left has emerged and continues to exist in various forms. Many facets of this changing reality are proposed and studied here. What about a precise definition of “extreme”? Is it an ideological posture claimed in a representative assembly? Or, because of its radicality, can it declare itself only in another area, that of activism, civil society and social action? Is it a homogeneous reality or, in turn, through shades or oppositions that divide it? Would it not be a reality and a word imposed by his worried or aggressive critics, in the form of a stigma aimed at decelerating for two hundred years those whose politics are referred to as ‘extreme left’? ‘Extrême’ then becomes a stigma which makes it possible to place under the same word terrorist, shared, petroleous or too active trade union activist. What about the actors of this left-wing radicality? What about representation systems which, for more than 200 years, have tried to marginalise it in the name of a common sense policy, on behalf of a moderate centre rejecting on its periphery those which are considered to be a danger to public and social order? The aim here is to open up avenues for embracing this ‘extreme’ left-wing reality in the history of politics, the fighting of images, the struggles of words, a thought and a practice on the left, trying to know whether it is ‘extreme’ because it is staggered by dominant narratives, which are the object of the political order.

Abstract