Article Text
French
ID: <
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Abstract
Dans un contexte industrialisé, empreint d’une histoire forestière marquée par la normativité, nous proposons d’envisager l’instauration des forêts par les pratiques des gestionnaires, ces dernières étant considérées comme des négociations dynamiques et territorialisées. Les pratiques des acteurs de la gestion et la ressource forestière se façonnent ensemble en instaurant des territoires qui sont des « terrains de vie », plus que de simples supports de production. En France, sur le Plateau de Millevaches, deux communautés de gestionnaires forestiers rivalisent de « bonnes recettes » pour promouvoir tantôt la productivité, tantôt la biodiversité. Dans une relative opposition, ces deux communautés expérimentent et négocient des définitions distinctes de la forêt comme ressource. D’abord instaurée comme un système socio-technique hyper-productif, la forêt monospécifique sert la redynamisation économique d’un territoire marqué par la précarité, tout en autorisant le développement d’un tissu dense de professionnels du bois. Mobilisé par d’autres acteurs comme lieu de la lutte écologique, le système vivant de la futaie irrégulière devient support d’innovation, de cohésion sociale et d’une réflexion sur les conséquences de l’industrialisation. Entre gestion techno-systématique et gestion éco-systémique, les divergences en matière de pratiques et de définitions de la forêt sont source de tensions. Chaque communauté tente d’ériger son mode de gestion de la ressource forestière comme un idéal. Pourtant ces deux dynamiques coexistent et s’influencent dans des trajectoires qui ne sont ni imperméables l’une à l’autre, ni clôturées. Reflétant ensemble une forêt complexe et des terrains de vie, ces deux communautés sont envisagées ici sous l’angle de la socio-écologie, au service d’une réflexion plus large sur la transition et la subsistance à travers des forêts habitées, apprenantes et plurielles.