test
Search publications, data, projects and authors

Conference

French

ID: <

http://hdl.handle.net/2078.1/134733

>

Where these data come from
Écrire après la fin : la logique spectrale dans la littérature contemporaine

Abstract

La question de la « fin » a largement retenu l’attention de la critique ces trente dernières années : fin de l’histoire déclarée par Fukuyama en 1992, des avant-gardes, de la modernité, des « grands récits » (Lyotard), mort du roman, et plus généralement menaces écologiques, faillite des idéologies, etc. De nombreuses études ont montré que la littérature contemporaine prenait acte de la récurrence de la question de la fin, que ce soit, entre autres, par le biais de récits spéculaires , du motif de la disparition ou du thème de l’apocalypse . Parmi ces productions, notre intérêt porte sur les œuvres qui cherchent à radiographier ce métadiscours de la fin non pour y adhérer pleinement mais pour en questionner la pérennité et exercer dans le même temps un effet de relance. Toussaint, dans Fuir, et Echenoz, dans Je m’en vais, thématisent ainsi une « position terminale initiale » (Ruffel) tandis que Mauvignier l’énonce explicitement dès le titre Apprendre à finir. L’œuvre de Volodine est quant à elle déterminée par une situation apocalyptique et le motif de la destruction. Dans Le Black Note de Viel, l’énonciation hantée mine la possibilité d’une parole propre et commande une énonciation multiple. Le questionnement sur la fin peut également mettre en lumière des récits d’anticipation déjà voués à l’échec tels que Les particules élémentaires de Houellebecq, les effets d’un passé indicible dans L’immaculée conception de Soucy, l’épuisement du sujet et du discours dans l’œuvre de NDiaye, la réécriture du motif de la ruine chez Bon, etc. Afin d’appréhender la nouvelle articulation passé-présent-futur mise en scène par ces œuvres, Lionel Ruffel, dans Le dénouement, propose de rompre avec le consensus établi autour des discours de la fin et d’envisager les dernières années du vingtième siècle comme « le moment d’une profonde mutation des paradigmes esthétiques et politiques » (p. 11). Le concept de dénouement permet selon lui de rendre compte d’une certaine tendance de la littérature contemporaine à lutter contre la conjuration de l’héritage moderne, largement mis à mal par les théories de la fin. Ces œuvres ne tenteraient pas d’opérer un « retour à la modernité » mais un « désajustement » (p. 102), se faisant les héritières d’un deuil en même temps qu’elles renouent avec une certaine « lisibilité », entendue comme possibilité maintenue de représenter. Tournant plutôt que mort, le dénouement, contrairement à la fin, n'a rien de définitif mais ouvre au contraire sur une temporalité nouvelle appelée à prolonger et renouveler un passé qu'elle transforme. Cette temporalité complexe peut être qualifiée de spectrale. Plutôt que simple résurgence fantomatique du passé, la logique de la spectralité, telle qu’elle a été théorisée par Derrida tout à la fois comme une récurrence à venir et « fréquence d’une certaine visibilité, […] visibilité de l’invisible » (p. 165), serait une hantise porteuse d’une ouverture, ce que les arts travaillent précisément en tentant de donner une apparence ou une voix à ce spectre. Au-delà de la mise en évidence du thème de la fin ou du motif du spectre à l’époque contemporaine, l’objectif de notre journée d’étude est d’analyser les procédés, effets et enjeux de la logique spectrale aux niveaux conceptuel, discursif et narratologique. Plusieurs pistes de travail (non exhaustives) peuvent être envisagées : - Le « retour du récit » ? Dans le paysage littéraire actuel, la mise en récit apparaît à nouveau comme une possibilité de configurer la temporalité de l’expérience humaine, avec ceci de particulier que cette réciprocité repose sur une conception du temps envisagé précisément depuis sa fin. Quelque chose fait retour dans le roman contemporain qui autorise la résurgence de la fable, non pas en tant que reprise à l’identique du modèle romanesque classique, mais plutôt sur le mode d’un récit hanté par la conscience de ses propres procédés narratifs. Au moyen de quels outils conceptuels appréhender ce mouvement de (ré)conciliation avec l’acte de raconter, autrement qu’en parlant d’un « retour du récit » qui n’est identifié que pour être aussitôt nuancé (Audet, p. 193) ? - Une énonciation hantée et diffractée La parole des différentes instances romanesques ne se donne plus comme univoque ; sa linéarité est minée de l’intérieur par la multiplicité des discours qui s’expriment à travers elle. Cette porosité fait apparaître chaque énoncé comme provisoire, sujet à l’erreur ou au mensonge, en tant que celui-ci ne peut pas être imputé à un énonciateur unique ou aisément identifiable, et qu’il est toujours potentiellement amené à être reformulé ou invalidé. Il s’agirait d’étudier les procédés poétiques qui permettent de mettre en place ce travail d’hétérogénéisation de l’énonciation, ainsi que les enjeux qu’il soulève. - Reconfigurations spatio-temporelles Littérature de l’excès, motif du spectre, « position terminale initiale », statut élocutoire limite, attrait pour l’inventaire, etc. constituent, selon Ruffel, autant de manifestations littéraires de la temporalité spectrale. Comment comprendre et décrire ces modifications du cadre spatio-temporel du récit ? La logique spectrale rencontre-t-elle également une évolution dans la représentation de l’espace (mise en scène des confins, dissolution ou conjuration des limites spatiales, etc.) ? - Une reconfiguration du rapport au politique et à l’histoire ? Jusqu’à quel point, après la fin proclamée des idéologies et des discours eschatologiques, la logique spectrale a-t-elle pu reconfigurer le rapport au politique et à l’histoire dans la littérature ? Quelles opportunités de renouvellement le discours révolutionnaire a-t-il pu transmettre à la littérature contemporaine ? - Spectral, image et virtuel Quel travail sur l’image et ce qui est communément considéré comme le « virtuel » la logique spectrale induit-elle dans la littérature contemporaine ? L’autre définition du mot spectre, relative à la perception et la décomposition de l’image, permet en effet de mettre en perspective de nombreux enjeux du récit contemporain : mise en question de la focalisation, héritage de l’ « école du regard », travail sur l’image, adaptation de procédés cinématographiques, interrogation sur le fantasme, etc. Bibliographie AUDET, René, « La fiction au péril du récit ? Prolégomènes à une étude de la dialectique entre narrativité et fictionnalité », dans Protée, vol. 34, n° 2-3, 2006. DERRIDA, Jacques, Spectres de Marx, Paris, Galilée, 1993. LYOTARD, Jean-François, La Condition postmoderne : rapport sur le savoir, Paris, Minuit, 1979. PIRET, Pierre, « Le dispositif minimaliste et la dialectique du désir (Echenoz, Toussaint) », dans Représenter à l’époque contemporaine. Pratiques littéraires, artistiques et philosophiques, sous la direction d’Isabelle Ost, Pierre Piret et Laurent Van Eynde, Bruxelles, Publications des Facultés universitaires Saint-Louis, 2010, pp. 325-343. RUFFEL, Lionel, Le dénouement, Paris, Verdier, 2005, coll. Chaoïd.

Your Feedback

Please give us your feedback and help us make GoTriple better.
Fill in our satisfaction questionnaire and tell us what you like about GoTriple!