Article
French
ID: <
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Abstract
Comme interlocuteur de Leibniz, comme lecteur assidu (et sourdement polémique) de Pascal, et comme lointain héritier d’Épicure, Fontenelle a toutes les raisons de ne pas méconnaître l’importance morale et philosophique du jeu. De fait, la pensée de Fontenelle rencontre la question du jeu selon diverses modalités. En un sens littéral, Fontenelle aborde le jeu comme objet de réflexion mathématique et philosophique, en particulier à l’occasion de son Éloge de M. de Montmort, ce dernier s’étant employé à appliquer l’arithmétique moderne à l’analyse des jeux de hasard. Si les remarques de Fontenelle peuvent sembler relativement périphériques dans son œuvre, l’analyse qu’il propose de « l’esprit du jeu » ouvre en réalité à des enjeux centraux de sa pratique philosophique. Entendu comme paradigme, le jeu est en effet, pour Fontenelle, l’emblème d’une philosophie accordant une place essentielle à l’enjouement et au badinage. Il est aussi le paradigme d’une certaine idée du bonheur que Fontenelle lie explicitement à la pratique du calcul dans le jeu de hasard : car « la sagesse doit toujours avoir les jetons à la main ». Enfin, la conception fontenellienne de l’univers ainsi que sa cosmologie laissent discerner l’idée d’un ludisme universel à l’œuvre dans la nature, en rupture avec la conception providentialiste d’un grand dessein caché et d’un ordre éternel.